Les devoirs : pour ou contre?


Vaut-il la peine de donner des devoirs? C'est une question que je me pose depuis mes débuts en enseignement. Je la remets sur la table aujourd'hui suite à une lecture d'un article publié dans le Soleil intitulé "Les devoirs et leçons, c'est fini!" de Daphnée Dion-Viens (24 mai 2014). La nouvelle parle d'une enseignante en 5e et 6e année, Marie-Claude Tardif, qui a décidé cette année de ne pas donner de devoir, à l'exception de 20 minutes de lecture par soir. La nouvelle suivra mon opinion.



Ma vision des devoirs

D'une part, comme enseignante à l'intermédiaire (12-13 ans), je trouve que les devoirs sont importants pour les élèves puisqu'ils développent chez eux de bonnes habitudes de travail qui seront nécessaires au secondaire, où on assigne plusieurs travaux à compléter entièrement à la maison.

Bien que je donne assez régulièrement des devoirs, la quantité n'est pas imposante. Ils ont parfois à compléter un exercice commencé en classe, à préparer un exposé oral, à étudier pour un test ou à compléter un projet. J'évite de "donner des devoirs pour donner des devoirs". Il y a toujours un lien avec la matière enseignée et évaluée.

Comme Mme Tardif, je suis d'accord que la lecture est un pilier essentiel dans le développement académique de l'enfant. Il doit lire à tous les jours. C'est souvent ce que je recommande aux parents d'élèves qui ont de la difficulté à écrire, à lire avec fluidité ou à comprendre ce qu'ils lisent. La lecture favorise l'enrichissement du vocabulaire, ce que plusieurs enfants dans un milieu francophone minoritaire ont grandement besoin.

Mme Tardif mentionne que c'est à elle d'aider les élèves à apprendre et non aux parents. Je ne suis pas tout à fait d'accord. Mes élèves ont seulement 60 minutes dans leur cours de français par jour. Ce n'est pas suffisant pour satisfaire leurs besoins comme apprenant. Je crois que le parent a un rôle à jouer. L'apprentissage doit se poursuivre à la maison. Sous forme de devoir? Pas nécessairement. Par contre, le parent doit s'assurer que la maison soit un environnement riche en littératie : du temps est dédié à la lecture, on en discute, on jase en français, etc.

D'une autre part, beaucoup trop de mon temps et de mon énergie sont dédiés à la vérification de devoir, à la gestion de devoirs non faits et à la correction de devoirs. Ce temps pourrait être beaucoup mieux utilisé, comme le suggère Mme Tardif, en donnant des explications supplémentaires, en aidant les élèves en besoin ou en donnant plus de temps en classe pour faire des exercices.

Aussi, les élèves plus faibles qui pourraient le plus bénéficier des devoirs sont souvent ceux qui ne les font pas, soit par manque de support à la maison ou à cause d'un manque d'organisation. Pour eux, la montagne de devoirs incomplets ne fait que grossir jusqu'à un point où elle semble insurmontable et l'élève préfère abandonner. Il y a aussi le groupe d'élève qui aura copié son devoir de quelqu'un d'autre, des fois quelques minutes avant d'entrer en classe. Le temps de classe doit donc être maximisé pour ces élèves puisqu'on ne peut pas toujours compter sur le temps à la maison.

Bref, mon opinion est partagé. Je vois l'avantage des devoirs, surtout au niveaux des habitudes de devoirs qui prépareront les élèves pour le secondaire. Cependant, je réalise que le temps de classe pourrait être utilisé d'une façon plus efficace afin d'aider davantage mes élèves, surtout ceux en besoins.

Voici donc la nouvelle du Soleil. Si vous désirez voir une entrevue vidéo avec Mme Tardif, suivez le lien sur la page de La Presse. À la suite de votre lecture, j'aimerais connaître votre opinion par rapport aux devoirs.

La vision des devoirs à Mme Tardif

"Les devoirs et leçons, c'est fini!" 

Daphnée Dion-Viens
le 24 mai 2014
Le Soleil

Le Soleil
(Québec) Les élèves de Marie-Claude Tardif ont sûrement fait des jaloux cette année. En septembre, leur enseignante leur a annoncé qu'ils n'auraient pas de devoirs ni de leçons pendant toute l'année scolaire. L'expérience a été concluante, le verdict est clair. «Les devoirs et leçons, c'est fini!» lance Mme Tardif.

Mère de trois enfants, l'enseignante est bien placée pour comprendre le casse-tête quotidien que peuvent représenter les travaux scolaires à la maison, à caser dans un horaire déjà bien chargé. «Comme maman, les devoirs, c'est quelque chose qui me puait au nez. Alors, je me suis dit : ça suffit. Moi-même, comme enseignante, je n'y arrivais pas», lance cette prof de l'école primaire Les Pionniers, à Saint-Augustin.

C'est d'abord pour alléger le quotidien des parents - et de leurs enfants, bien sûr - que Marie-Claude Tardif a décidé d'oser cette année. Ses élèves de cinquième et sixième année sont repartis à la maison avec un sac d'école beaucoup plus léger qu'à l'habitude.

Ils ont bien dû préparer quelques examens et consacrer une vingtaine de minutes à lire à la maison chaque jour, mais ils n'ont pas eu d'exposés oraux à préparer, de pages de cahiers d'exercices à noircir ou de leçons à apprendre par coeur.

Madame Marie-Claude, comme l'appellent ses élèves, ne s'est toutefois pas contentée de rayer les devoirs et les leçons de sa planification scolaire. Elle a complètement changé sa façon d'enseigner. Fini le temps perdu à expliquer les devoirs, à corriger les devoirs et à vérifier qui les a faits ou non. «Ça prenait beaucoup de temps dans une semaine. Maintenant, je ne fais qu'enseigner!»

L'enseignante a multiplié les exercices et les ateliers en classe et dispose de plus de temps pour aider ses élèves en difficulté, pendant que les élèves travaillent individuellement ou en groupe. «Pour les élèves faibles, les devoirs ne leur rendent pas nécessairement service. Il y a des élèves que les parents n'aident pas à la maison», souligne-t-elle.

Expérience controversée

Cette expérience ne s'est toutefois pas faite sans causer de sérieux remous entre les murs de l'école. Plusieurs parents n'étaient pas d'accord. Pour les rassurer, Mme Tardif a augmenté le nombre de communications avec eux pour les informer de ce qui se passe en classe. À ceux qui trouvaient important que leur enfant développe le sens de l'autonomie et de l'effort grâce aux devoirs, elle leur a répondu qu'à 11 ou 12 ans, ses élèves sont encore et avant tout des enfants.

«Ils ont besoin de jouer, ils ont besoin de décrocher. C'est important pour eux aussi de se reposer le soir, d'aller jouer dehors, de faire autre chose. Et ça ne veut pas dire qu'ils sont plus paresseux en classe, au contraire!» dit-elle.

On s'en doute, les élèves sont en grande majorité bien heureux d'avoir congé de travaux scolaires. Ils ont plus de temps pour jouer dehors et «vivre leurs passions», comme l'a lancé en classe Delphine, une des élèves de Madame Marie-Claude.

Ses collègues ont aussi été nombreux à réagir. Certains songent à tenter l'expérience à leur tour l'an prochain, d'autres sont totalement réfractaires. «Je me suis vraiment fait critiquer par mes collègues. Ç'a causé des problèmes parce que des collègues qui donnaient des devoirs n'étaient pas capables de justifier pourquoi auprès des parents», dit-elle.

Le directeur de l'école, Daniel Trudel, a appuyé Mme Tardif dans cette aventure. «C'est bien des fois de se questionner sur nos façons de faire. L'an prochain, on va entreprendre une démarche pour avoir une vision commune sur les devoirs et leçons. La réflexion est à faire.»

Rien n'oblige Mme Tardif à donner des devoirs et des leçons, puisque en vertu de l'autonomie professionnelle reconnue aux enseignants, ce choix leur appartient. Mme Tardif se garde toutefois de critiquer ses collègues qui agissent autrement.

«C'est ma solution, je respecte celle des autres. Mais il y a énormément d'argent investi par le gouvernement dans l'aide aux devoirs et des fois, je me demande jusqu'à quel point c'est pertinent.»

Pour ou contre?

Les profs du primaire et du secondaire devraient-ils s'inspirer de l'expérience de Marie-Claude Tardif, qui a renoncé aux devoirs et aux leçons cette année?

Il s'agit d'une question délicate à trancher, affirme Rollande Deslandes, professeure à l'Université du Québec à Trois-Rivières qui a réalisé de nombreuses études sur le sujet.

De manière générale, cette dernière a plutôt tendance à prôner une diminution de la fréquence des devoirs, plutôt que leur abolition complète. Elle insiste aussi sur l'importance de varier les types de devoirs. Selon Mme Deslandes, le fait de demander 20 minutes de lecture quotidienne aux élèves peut être considéré comme une forme de devoir.

Mme Deslandes se réjouit aussi du lien que Mme Tardif a voulu conserver avec les parents, en augmentant le nombre de communications avec eux, et des changements qu'elle a apportés à son enseignement. «Dans ce contexte, je ne peux qu'approuver ce qu'elle a fait», lance-t-elle.

De son côté, le président de la Fédération des comités de parents, Gaston Rioux, rappelle que les devoirs et les leçons sont une façon pour les parents de mieux connaître leur enfant en tant qu'élève. «Mais il ne faut pas que le parent fasse les devoirs à la place de l'enfant», prévient-il.

Même si les devoirs et les leçons font partie du quotidien des élèves depuis des décennies, la recherche scientifique ne permet pas de conclure à un effet positif sur la réussite scolaire, peut-on lire dans un avis du Conseil supérieur de l'éducation rendu public en 2010.

99% des enseignants donnent régulièrement des devoirs et des leçons, selon un avis du Conseil supérieur de l'éducation rendu public en 2010
90% des parents sont en faveur des devoirs et des leçons, selon un sondage mené par la Fédération des comités de parents en 2010
65% des parents affirment ne pas avoir les connaissances requises pour épauler leurs enfants dans leurs travaux à la maison, selon une enquête du Conseil canadien sur l'apprentissage, publié en 2006

Ce qu'en pensent les élèves

L'enseignante Marie-Claude Tardif a demandé à ses élèves de cinquième et sixième année d'écrire au directeur de leur école pour lui dire ce qu'ils pensent des devoirs et des leçons. Voici quelques extraits de leurs textes :

«Je trouve ça injuste pour certains élèves. Parfois, les parents n'ont pas la capacité d'aider leur enfant ou encore, ils ne sont pas disponibles. Ensuite, le lendemain, l'élève se fait chicaner pour un devoir incomplet, tandis qu'un autre élève que ses parents peuvent aider ne se fait pas chicaner par l'enseignante.»

«Pendant que les élèves font leurs devoirs, ils ne jouent pas dehors, donc ils ne bougent pas. Après leurs devoirs, pensez-vous qu'ils ont le goût de retourner à l'école le lendemain? Non! Ne vous demandez pas pourquoi il y a beaucoup de décrochage scolaire. Les devoirs font juste souffrir les enfants.»

«Le fait de corriger les devoirs en groupe pouvait nous faire perdre du temps d'enseignement. Mais cette année, à la place de corriger ceux-ci, nous pouvons mieux comprendre les notions, car la professeure nous enseigne plus souvent. Évidemment, ça nous fait aussi plus de temps pour les exercices, donc nous sommes mieux préparés durant les examens.»

«Les élèves ont tellement d'activités qu'ils n'ont plus le temps pour les devoirs. Par exemple, plusieurs élèves rentrent de l'école vers 17h et le souper n'est pas fait. Ils doivent manger rapidement, parce que les jeunes ont plusieurs pratiques de soccer, de basket et du spectacle amateur. Alors, est-ce qu'on a le temps de faire nos devoirs? Non!»

«Moi quand j'avais des devoirs, je me chicanais tout le temps avec ma mère pour que je fasse mes devoirs. Depuis, je me chicane moins avec ma mère. Ne pas donner de devoir est la solution. Il va avoir moins de conflits parents-enfants.»

«Les devoirs, ça nous force à nous coucher tard. Alors, le lendemain à l'école, nous sommes fatigués et pas concentrés. Par exemple, mon amie se couche tard pour finir ses devoirs et se réveille très fatiguée.»

Et vous, quelle est votre position face aux devoirs?



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