Une classe de rêve : Choisir l'aménagement flexible pour sa salle de classe


Ce texte a été rédigé par notre blogueuse invitée, Marie-Andrée Arcand, enseignante francophone en Alberta, Canada

Comment l'aménagement flexible favorise-t-il l'apprentissage et la motivation des élèves dans nos écoles? Pensons d’abord aux endroits où nous irions, comme adulte, lire un livre? Installé confortablement dans un divan, dans notre lit, dans un bain, sur le ventre, à l’extérieur contre un arbre. Est-ce que la table de cuisine ou de travail serait notre premier choix?

En effet, dans le but de soutenir notre capacité attentionnelle et d’opter pour notre confort, nous avons tendance à choisir des endroits et des lieux qui répondent à ces deux besoins. Par conséquent, pourquoi demandons-nous aux élèves de rester assis à leur pupitre à longueur de journée si nous souhaitons que ces derniers soient attentifs, motivés et, ultimement, qu’ils apprennent? Selon mon expérience, l’aménagement flexible répondrait à cette problématique.



Qu’est-ce que l’aménagement flexible?

L’aménagement flexible se rapporte à la manière dont la personne enseignante organise l’espace et planifie l'ameublement de la salle de classe au service de la motivation, de la capacité attentionnelle et de l’apprentissage des élèves. Ainsi, les élèves peuvent choisir l’endroit leur permettant d’accomplir la tâche demandée.

Dans ma salle de classe, les élèves peuvent choisir de travailler à une des deux tables de travail, sur le sol, assis sur des coussins de méditation, dans des chaises de style papasan, à de petites tables, debout au comptoir, etc. Les options sont toutefois infinies et peuvent être farfelues, tant et aussi longtemps qu’elles sont au service de l’apprentissage des élèves: travailler en équipe dans une baignoire, compléter des problèmes de mathématiques dans une tente, lire un livre dans un sac fantôme, dans une balançoire, etc.

De ce fait, chaque classe mettant de l’avant cette approche est différente et reflète inévitablement la personnalité et le style de l’enseignant. Qui plus est, la totalité de l’espace de ma salle de classe est réservée aux élèves. De ce fait, je ne possède pas de bureau; je travaille avec les élèves, à l’endroit où j’assure mon confort personnel, comme si je lisais à la maison!

Cependant, le changement ne doit pas s’opérer de manière drastique et demande une grande réflexion. Évidemment, avec cette notion de choix pour les élèves vient un enseignement nécessaire de la responsabilisation en ce qui a trait à la gestion de leurs apprentissages. Mon parcours professionnel à cet effet peut possiblement éclairer d’autres enseignants désirant mettre de l’avant l’aménagement flexible dans leur salle de classe.

Pourquoi choisir ce type d’aménagement?

J’enseigne au sein d’une petite école francophone en milieu minoritaire qui compte environ 60 élèves de la maternelle à la 12e année. Depuis l’ouverture de l’école en 2002, l’école louait des locaux afin de répondre aux besoins de sa clientèle scolaire. En 2011, nous avons reçu la merveilleuse nouvelle que nous allions avoir notre propre école. Dès lors, l’équipe s’est engagée au coeur de réflexions professionnelles visant à faire de ce nouveau lieu un endroit où l’apprentissage des élèves serait favorisé et encouragé à son plein potentiel.

Nous avons rencontré une panoplie de professionnels en ameublement scolaire. C’est lors de ces rencontres avec des concepteurs de meubles que nous avons dû répondre à cette simple question: Décris-moi ta classe de rêve? Il s’agit là d’une opportunité que peu de professionnels en éducation auront dans leur carrière et nous avons, comme équipe, pris cette dernière très au sérieux. À la lumière de lectures pédagogiques, nous avons, à l’unanimité, décidé d’opter pour l’approche de l’aménagement flexible dans le but d’organiser l’espace et de planifier l’ameublement de nos salles de classe. Ainsi, nous assurions une certaine cohésion au sein de chacune des classes de la maternelle au secondaire.

En septembre 2014, nous avons accueilli, avec fierté, nos élèves dans leur nouvelle école. Dès lors, nous avons dû enseigner aux élèves à gérer, de manière efficace, leurs apprentissages et à faire des choix éclairés concernant leur lieu de travail. De ce fait, de manière à implanter cette approche avec succès, certains éléments doivent être pris en ligne de compte:

  • offrir l’égalité des choix aux élèves
  • modéliser explicitement les comportements attendus
  • planifier l’ameublement de la classe afin de répondre aux différents besoins d’apprentissage.


De la place pour tout le monde

D’après mon expérience, il est nécessaire d’offrir les mêmes choix aux élèves. En d’autres mots, il est important que ces derniers ne soient pas dans l’obligation de travailler à un endroit qui ne répond pas à leurs besoins attentionnels et motivationnels parce que les autres sont déjà pris.

À cet effet, j’ai un coussin de méditation pour chacun de mes élèves et une place assise à une table pour chacun d’entre eux. D’un autre côté, il est évident que je ne peux pas fournir une chaise papasan par élève! Il faut toutefois comprendre que ce lieu de travail ne répond pas aux besoins de tous mes élèves selon la tâche qu’ils ont à accomplir.

Dans le cas contraire, il serait sans doute incontournable de fournir aux élèves un horaire d’utilisation de certains meubles. Néanmoins, par expérience, les élèves préfèrent travailler sur le sol, assis sur un coussin de méditation à une petite table ou assis à une table de travail. Ce n’est toutefois pas moi qui leur demande de choisir cet endroit et cette notion de choix favorise leur engagement et leur motivation à la tâche.

Modéliser le comportement attendu

De plus, il me semble primordial de modéliser explicitement les comportements attendus selon le lieu de travail choisi. Il s’agit d’un enseignement qui doit être fait en tout début d’année scolaire ou lors de l’implantation du nouveau lieu de travail. Il faut ainsi présenter les observations que nous nous attendons à faire des comportements selon lieux de travail choisi et de présenter les conséquences à ces derniers. Il peut s’agir de conséquences positives et négatives.

Par exemple, si la tâche demandée est de produire un texte écrit, la chaise papasan ne répond pas au besoin de précision que requiert l’écriture. Il est alors nécessaire de montrer en quoi certains endroits peuvent maximiser la qualité d’un travail. Indubitablement, certains élèves tenteront de vous persuader qu’ils sont capables.

Personnellement, je les laisse expérimenter. En temps normal, les élèves vivront naturellement les conséquences de leur choix (la tâche a pris plus de temps à accomplir, la qualité du travail est moindre, etc.) et ajusteront ainsi leur lieu de travail la prochaine fois.

Planifier l’ameublement selon le besoin des élèves

Il est également important de planifier l’ameublement et l’organisation de l’espace de la classe en vue des leçons à prodiguer à l’ensemble des élèves, à une partie d’entre eux ou afin de répondre à certains besoins spéciaux. Comme j’enseigne à un double niveau, je dois parfois prodiguer des leçons répondant aux besoins de mes élèves de 3e année et de mes élèves de 4e année, mais de manière consécutive.

Ainsi, lorsque j’enseigne à une partie de ma classe, l’autre doit travailler de manière autonome et silencieuse. Une fois la leçon terminée, je passe à l’enseignement d’une leçon à l’autre niveau de mon groupe. Certains endroits doivent donc être mobilisés de manière permanente, pour ces matières, afin de répondre aux enseignements qui doivent être dispensés.


Bilan

Personnellement, je ne me vois plus enseigner dans une classe où la seule option des élèves est un pupitre. J’ai pu observer, chez mes élèves, une augmentation et une manifestation de leur motivation. Il m’est également possible d’observer des élèves qui font preuve d’un excellent jugement quant à leur décision se rapportant à leur lieu de travail. En effet, il arrive parfois que certains élèves décident d’eux-mêmes de changer de place puisqu’ils jugent qu’ils vivent des conséquences négatives de leur choix quant à l’endroit choisi. Il s’agit d’une grande fierté pour eux de prendre de telles décisions. Ils se sentent ainsi responsables de leur apprentissage, élément indispensable à la motivation scolaire.

D’un autre côté, les parents sont également enchantés par cette approche. Il est important de leur faire découvrir la réalité de leur enfant, et ce, dès la première rencontre de parents en début d’année scolaire. C’est la raison pour laquelle je ne modifie pas la disposition de ma classe dans le but que ces derniers expérimentent le quotidien de leur enfant dans ma classe. Plusieurs d’entre eux avancent que cette approche permet une meilleure collaboration chez les élèves puisque ces derniers ne sont pas toujours entourés des mêmes camarades de classe, améliore la qualité de leurs travaux scolaires, contribue à la motivation de ces derniers vis-à-vis l’école et répond plus adéquatement aux réalités de la vie quotidienne. Les élèves, quant à eux, se sentent fiers, non seulement au regard de leur salle de classe, mais également en ce qui concerne la notion de choix qu’ils ont lorsqu’ils choisissent l’endroit où ils accompliront la tâche demandée.

Et vous, quelle serait votre classe de rêve?


Marie-Andrée Arcand est enseignante au sein d’une école francophone à Jasper, en Alberta. Elle poursuit présentement ses études à la maîtrise et se questionne plus précisément sur le rôle de l’enseignant dans la construction identitaire des élèves issus de milieux francophones minoritaires. Étant curieuse de nature, elle aime expérimenter différentes stratégies d’enseignement dans la mesure où ces dernières sont basées sur des données probantes et qu’elles répondent aux besoins d’apprentissage de ses élèves. C’est la raison pour laquelle elle est constamment investie dans son développement professionnel à travers différentes formations et cours universitaires.

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